lundi 15 octobre 2012

Les violences urbaines : 3/3

Les conditions du maintien de l'ordre 

 Depuis Vaux-en-Velin en 1978 les émeutes urbaines font parties du paysage français,cette histoire est aussi celle d'une spécificité française : le maintien de l'ordre. Lors des émeutes le déploiement policier est important et sert dans un premier temps à contenir les émeutiers : empêcher la mort d'un émeutier est la première préoccupation de la police. Pour cela elle engage les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) dans un rapport frontal et dissuasif. Ils sont en situation défensive et non pas offensive, ils ne visent pas l'interpellation mais la limitation des déprédations par les émeutiers. Le caractère particulier de l'émeute urbaine c'est justement la configuration spéciale des lieux qui empêche la circulation aisée d'une compagnie et l'absence de connaissance étendue du milieu par ces policiers qui souvent viennent de province, alors même que les émeutiers connaissent parfaitement les lieux. Le maintien de l'ordre classique et l'apparente passivité des forces de l'ordre doit s'entendre encore dans une stratégie. La décision de ne pas intervenir est encore une décision et engage une intelligence situationnelle. Cependant certaines règles demeurent  : il faut masser le plus d'hommes possibles afin de limiter l'émeute. Lors des émeutes de 2005 à Clichy-sous-bois après la mort de 2 jeunes dans un transformateur EDF des troubles secouent la ville pendant 3 jours. Puis 2 erreurs sont commises ; une grenade lacrymogène tombe dans la mosquée. Le tir n'est pas intentionnel, mais c'est l'embrasement de la ville et à sa suite de la banlieue, puis de la France entière. Ensuite une rencontre à risque au Stade de France qui va prendre plusieurs compagnies de CRS qui, dès lors, ne peuvent plus endiguer les violences urbaines. Double erreur donc, la première non nécessairement évitable, la grenade étant à bond aléatoire... Pour la seconde il aurait fallu annuler la rencontre sportive pour masser les forces de l'ordre sur le terrain des violences urbaines. La guerre urbaine gagne du terrain, c'est bientôt toute la France qui prend feu, y compris les zones péri-urbaines.
 La décision est alors de transformer la stratégie du maintien de l'ordre. Passer de la défensive à l'offensive, produire des interpellations et pour cela fractionner les compagnies de CRS. Prendre des groupes de CRS mobiles, capables de suivre les émeutiers et pour cela additionner 7 hélicoptères aux forces terrestres. Ces derniers seront munis de projecteurs, permettant de tracer la fuite des émeutiers et de poursuivre et de rattraper les émeutiers grâce aux faisceaux lumineux. Le  choix d'équipes mobiles suppose la réduction des protections passives afin de permettre de courir plus longtemps et rapidement et augmente ainsi significativement l'exposition des personnels. Cette méthode sera efficace, l'adoption d'une loi d'exception permettant d'imposer un couvre-feu interviendra au moment où la décrue de la violence est déjà significative. En l’occurrence il s'agissait d'une mesure plus politique que policière, sans véritable efficacité. Les manifestations contre le CPE l'année d'après permettent de revenir aux stratégies classiques de M.O mais viennent se glisser dans les manifestations des "casseurs", ceux-là profitent d'un service d'ordre étudiant léger et perméable pour brûler des voitures et piller des magasins. Mais plus grave les "casseurs" attaquent les manifestants pour les dévaliser, attaque à plusieurs contre un seul, coups, brutalité. La police est surprise car il s'agit d'agressions d'une classe d'âge contre sa propre classe d'âge, d'un monde contre un autre. La police lorsqu'elle décide de passer à l'action ne trouve en face d'elle que des étudiants et des membres de l'ultra-gauche. Les casseurs se sont enfuient dès qu'ils ont compris que les policiers allaient intervenir. La police craignaient le rassemblement des casseurs et des groupuscules politisés. Cela ne s'est pas produit, les motivations sont trop éloignées pour permettre même brièvement une union concertée. La police oscille dans sa mission de M.O entre une ligne défensive et une ligne offensive : et même joint les 2 avec des CRS en MO classique et des équipages de BAC qui sortent des lignes de CRS pour interpeller puis qui rentrent derrière avec leurs cibles. En brouillant ainsi les cartes la police s'expose d'abord à des critiques politiques (certains policiers portaient des autocollants syndicaux ou politiques, empêchant une claire détermination de leurs fonctions et pouvant ainsi participer de l'effet de panique causé par les charges des casseurs comme de celles des policiers) et à des critiques policières (l'identification du policier est fondamentale dans le cadre du MO, cette double structure est peu efficace sur le terrain). Le choix de l’Angleterre avec la force PT18 composée de moniteurs au bouclier repose sur une force de police capable de pénétrer la ligne émeutière et de ramener un "leader négatif" sans excès de violence. Force identifiée comme celle des forces anti-émeutes, avec un marquage préalable de la cible avec un fusil marqueur (FN 303 Hesta par exemple). De la détermination du choix stratégique de MO dépend le sort d'une manifestation ou d'une émeute. La coopération avec le SO des manifestants fut décisif ; ce sont les organisations syndicales qui fournissent le SO après les attaques spectaculaires des casseurs. Ce SO syndical ne laisse pas filtrer des personnes à l'intérieur de son cordon, à l'extérieur les forces de l'ordre surveillent et interpellent. Désormais l'activation de drones est un plus dans la surveillance surtout dans le cadre des émeutes urbaines, silencieux et d'un coup bien plus réduit que l'hélicoptère (qui demeure une présence dissuasive mais qui produit aussi un "effet d'occupation" pour les populations résidentes).

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