Au moment où le gouvernement français décide de freiner l'implantation des systèmes de vidéosurveillance voici le bilan tiré de l'expérience anglaise, résultat en demi-teinte : la vidéosurveillance est une aide à la résolution d'enquêtes mais ne permet pas d'empêcher les agressions.
La première chose qui frappe en entrant dans la gare
de Waterloo à Londres c’est le nombre de caméras de surveillance. En restant en
un même point et en tournant sur soi-même on peut en compter jusqu’à quarante
cinq. La gare est entièrement tissée d’un réseau de caméras capable
d’identifier et de suivre un individu. Par jour un individu circulant dans
Londres est ainsi filmé près de 500 fois. Pour plagier Coluche on peut affirmer
que si la télévision est dans chaque foyer c’est le seul pays ou c’est elle qui
vous regarde. Après les attentats de 2005 à Londres le parcours des terroristes a ainsi été
reconstitué, leurs faits et gestes analysés. Mais malheureusement bien trop
tardivement pour stopper l'attaque. La vidéosurveillance serait bien plus une
aide à la résolution des enquêtes policières qu’une arme permettant d’interrompre
le déroulement d’une action criminelle. Il y a donc une première illusion de la
vidéosurveillance, l’omniprésence n’est pas l’omnipotence, enregistrer un crime
n’est pas l’empêcher. Ici réside le point d’incertitude des politiques bâtit
sur la vidéosurveillance : peut-elle servir à autre chose qu’à une
fausse dissuasion sachant que les crimes
ou les agressions ne sont pas stoppés par la présence des caméras car ils sont
la plupart du temps liés à un acte impulsif. Le réseau ou la toile de télésurveillance
répondrait plus alors à une volonté sécuritaire sinon à une façade sécuritaire qu’à
une véritable parade contre les agressions. Ainsi New-York a obtenue dans la
lutte contre la criminalité des succès incontestables sans l’apport réelle de
la télésurveillance.
L'angleterre
est un pays particulier en ceci qu’elle engage à la fois la trame la plus
serrée en Europe de surveillance vidéo, le fichier ADN le plus renseigné, et
laisse en même temps ses sujets circuler sans cartes d’identité : c’est le seul pays européen ou un citoyen ne doit pas justifier de son identité.
Le projet du
gouvernement travailliste est de parvenir à mettre en
place une carte d’identité qui, greffée aux divers fichiers existants et à la
vidéosurveillance, permettrait une des cartographies les plus précises d’Europe
sur les citoyens d’un pays. Les événements terroristes dans la capitale
Londonienne ont profondément remis en question les libertés ancestrales et la seule parole de la personne pour s'assurer de son identité. Nick
Palmer décrit son
projet et sa réalisation. Tout d’abord le
fichage s’exercera sur les résidents étrangers puis les jeunes et les
étudiants, enfin tout le monde.Le relevé d’identité sur un fichier central permettra de saisir
toute une série de renseignements personnels et biologiques, fabriquant ainsi
la base de données la plus performante d’Europe. La France pour sa part a
reculée devant un projet similaire : le projet Edwige, sorte d’équivalent, aurait relié des fichiers et des bases de données qui normalement
sont étanches afin de garantir les libertés individuelles et
constitutionnelles. Permettant aussi, et ce fut le lieu de la polémique la plus
vive, la constitution d’un fichier sur les mineurs et les enfants ; or
celui-ci existe déjà en Angleterre tout comme le contenu du fichier des
empreintes génétiques qui rappelons le est le plus renseigné d’Europe sinon du
monde. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’édifier à la fois une
multitude de contrôles et d’avoir des policiers sans armes létales, des fichiers
renseignés mais pas de cartes d’identités. Les réticences de la société civile à
ce projete se trouvant renforcées par la négligence de l’administration
anglaise qui en 2007 à tout simplement perdue des disquettes contenant les
éléments fiscaux de 25 millions de britanniques. Le monde d’Orwell à des
fissures, la deuxième illusion est celle d’un univers maîtrisé grâce aux
technologies de l’information. L’erreur est présente dans les salles de
contrôles comme dans la saisie des données, la défaillance technique
pouvant provenir aussi de sa
prolifération, les facilités d’usage de ces techniques en ont ouvert l’accès à
des milliers d’officiers insuffisamment formés à leur utilisation ni surtout
aux procédures qui les accompagnent (réquisitions) ; sans compter la part
d’obscurités des systèmes de surveillance eux-mêmes. Aussi la vulnérabilité à
l’erreur liée d’abord aux erreurs humaines dans le traitement des données,
erreurs quasiment irréversibles dans les fichiers de police. Entre en compte les déficiences des logiciels de traduction et
d’interprétation : le programme Echelon aux
Etats-Unis permet l’écoute de près de 4 milliards de conversations, cette masse
de données est traitée par des logiciens de détection de mots clés appuyés par
une traduction informatique – cette
traduction est pourtant la partie faible du système Echelon puisque certains
logiciels de IMO ont échoués à la simple traduction de bulletin météorologique
en langue arabe. Le renforcement de l’automatisation n'étant pas le
gage de la suppression de l’erreur. C’est la solution américaine qui
règle ainsi la question de la violation des libertés individuelles : ce
que les gens surveillés décrivent comme intolérables c’est la violation de
l’espace personnel, de l’incursion de personnes étrangères dans la sphère de
l’intime, de la vie de famille, de la vie sexuelle, or le traitement par les
seuls ordinateurs qui sont en dehors de tout affect et de tout jugement
permettrait de conserver la surveillance sans l’indélicatesse des oreilles et
des sentiments humains. Un ordinateur sensible seulement à des termes, qui
reconnaît puis sélectionne les seuls éléments pertinents pour l’accusation.
L’angleterre est sur la même voie et certainement pour des raisons similaires,
la maîtrise des communications est le fer de lance de la stratégie militaire en
Angleterre comme aux Etats-Unis.
Nous sommes donc davantage pour reprendre l’expression de Jean Paul
Brodeur ,devant une « surveillance-fiction » que devant une
surveillance effective . Mais nous ne pouvons que constater le déplacement de
l’interrogation de la police vers les matériels qu’elle utilise ou qu’elle
serait susceptible d’utiliser. Le pari
étant de confier les tâches de sécurisation des espaces et des pays à des
machines –« corps de surveillants à distance » qui enregistrent et
filment le terrain, dotés de système informatique de détection et de gestion
des risques ils déclencheraient seuls les alertes – le policier devenant alors
le simple « outil vivant » de la machine, comme le citoyen sa
matière. L’angleterre tente de déplacer le terrain de la sécurité vers celui de
la déréalisation des contrôles et de la surveillance, remplaçant chaque jour un
peu plus l’intervention humaine et le règlement amiable des conflits par une
société qui reprend les grandes lignes du 1984 de Orwell, des caméras
dans les rues et les espaces publics qui enregistrent mais aussi qui peuvent
« parler » pour rappeler à l’ordre, une chaîne de télévision permet
d’obtenir les images du centre de contrôle, créant ainsi une société
« autopolicé ».
C’est certainement le défi
de demain de toutes les nations démocratiques, parvenir à maintenir vivant
l’équilibre toujours fragile entre le désir légitime de sécurité et
l’aspiration à la liberté
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