lundi 29 octobre 2012

La violence scolaire : le CAAEE / la tolérance zéro 2/2



L’exemple du Centre Académique d’Aide aux Ecoles et aux Etablissements (CAAEE) :

La vidéosurveillance est évoquée comme un moyen de lutte alors même que l’on connaît aujourd’hui ses limites et défauts 26 , la question des moyens technique de la lutte contre les violences demeure pourtant fondamentale. La mise en place d’audits de sécurité dans les établissements, de portails sécurisés, de portiques de détection d’armes… tout ceci porte trop souvent à décentrer le débat vers une solution d’abord technique alors qu’elle est avant tout humaine. Ni technophilie ni technophobie, les instruments de la surveillance et la protection passive des locaux ne sauraient être négligées en même temps qu’une réponse seulement technique serait incomplète. La création du CAAEE répond à une demande institutionnelle académique, permettre de traiter les formes de violences dans les établissements scolaires en instituant un dialogue entre les parties afin de rétablir l’autorité du chef d’établissement. La mise en place initiale des Equipes Mobiles de Sécurité était présentée en grande partie sur l’aspect sécuritaire, protection de l’établissement, sanctuarisation. La difficulté étant sur le terrain de parvenir à lier le cadre mobile des équipes avec l’impératif du temps réel des violences, l’intervention en temps de crise suppose toujours un décalage par rapport à la demande. Très vite le CAAEE s’est dirigé vers des missions préventives et non réactives. Une forme de déplacement sur d’autres champs de compétences que ceux d’abord initiés, et qui recouvraient justement l’expertise  que le CAAEE développait depuis 10 ans. Le CAAEE a intégré dans son champ de compétence la sécurisation, les missions de sécurité sont quotidiennes. L’appui peut-être compris aussi comme vie scolaire, encadrement et sécurisation (filtrage des entrées) avec des pouvoirs qui restent Education nationale. Le problème essentiel demeure celui du recrutement, avec peu des personnels qui proviennent du ministère de l’Intérieur dans l’Ile de France. Cela se trouve lié à la faiblesse de la rémunération – ils sont recrutés sous la rubrique contractuels. La nature du contrat pose ici problème car il n’engage pas un statut pérenne (6 ans maximum). Se pose aussi le problème de la gestion des équipes lorsque leur présence n’est pas utile sur le terrain.  Le choix stratégique du CAAEE a été sous l’impulsion de Luc Pham 27 , son actuel directeur, de confondre les moyens, toute personne du CAAEE appartient de facto aux EMS avec une mutualisation possible des forces entre les départementaux si une situation de crise l’exige. Les équipes sont coordonnées par une personne qui est l’interface privilégié aussi bien sur la réponse pédagogique que l’aspect sécurisation. Luc Pham note des évolutions « nous allons avoir des personnels anciennement du ministère de l’Intérieur avec une compétence en diagnostic de sécurité qui jusqu’aujourd’hui était une compétence spécifique de la police ou de la gendarmerie. Il y a ici une vraie intersection de compétences, ils seront porteur d’une compétence du ministère de l’Intérieur et l’exerceront dans le cadre d’un emploi dans l’Education nationale ». Pour ce qui concerne les habilitations de fouilles ou encore d’interpellations les résistances syndicales des personnels de direction demeurent trop grandes pour que cette ouverture se produise. En fait la mission de sanctuarisation a produit « une vraie avancée », que des personnels du ministère de l’Intérieur (principalement des Adjoints de Sécurité) puissent intégrer des équipes de l’éducation Nationale correspond à un progrès important, la diversité des missions étant probablement l’explication de ce succès ». Le véritable défi était dans la modification des représentations tant dans les équipes anciennes du CAAEE que dans les établissements scolaires. « L’avancée c’est de dire que la pédagogie n’est pas exclusive de la sécurité et inversement ». Le détachement d’un officier de police  pour piloter les EMS et être le conseiller sécurité du recteur était indispensable », son champ de compétence balayant à la fois le questionnement sur la maltraitance, la violence des jeunes qu’ils en soient auteurs ou victimes, l’interrogatoire et la difficulté de se souvenir d’une agression, aussi sa reconnaissance institutionnelle et hiérarchique indispensable dans le rapport avec la police ». C’est aussi pouvoir dire à un commissaire dont les hommes se sont retrouvés cernés dans la cour d’un établissement scolaire qu’ils se sont mis techniquement dans une situation délicate et être entendu. Le CAAEE a pris la forme structurelle du terrain éducatif et de l’autonomie des établissements, au premier janvier 2012 un directeur académique des services de l’éducation nationale remplacera les directeurs départementaux, « désormais plus d’un côté le rectorat et de l’autre l’inspection, les services académique sont sur tout le territoire et se confondent, je voulais que nous soyons déjà dans cette approche ». L’impossibilité d’une homogénéisation sur le plan national favorisant une prise ne charge autonome par académie du traitement des violences, l’idée étant de produire un diagnostic par territoire et d’apporter des réponses avec les moyens existants. Se rapprocher toujours plus du terrain donc avec l’exigence pragmatique d’apporter une aide concrète aux établissements, aller dans le sens de l’autonomie des académies comme de l’autonomie des établissements (OPLE). Le CAAEE a inspiré la mise ne place des EMS sur l’académie de Paris, l’Inspecteur d’Académie qui en a pris la direction était auparavant en charge des Hauts de Seine. L’académie de Créteil au contraire cloisonne en distinguant équipe pédagogique et équipe de sécurité, « la cartographie sensible de ce département tire bénéfice de ce découpage car il y a des tensions extrêmes en certains endroits ».

La tolérance zéro :
Campagne américaine pour le port d'armes
Trop souvent s’oppose frontalement deux conceptions de la sécurité, l’une préconisant répression et intransigeance et l’autre pédagogique qui nie les phénomènes de violence scolaire dans leurs dimensions délinquante. C’est ce clivage qu’il faut résoudre ou dépasser. Lors d’un entretien Russel Skiba (professeur à l’Université de l’Indiana aux Etats-Unis, spécialiste de la psychologie de l’éducation) intervenant lors des « états généraux de la sécurité à  l‘école » affirme l’échec de la tolérance zéro aux Etats-Unis. Il adopte une définition uniquement répressive  « toute perturbation même la plus mineure, doit être sévèrement punie afin de dissuader les fauteurs de troubles » 28 , on peut ici s’étonner d’une telle définition qui reprend une vision étroite de la tolérance zéro. L’échec de la politique sécuritaire dans les établissements scolaires aux Etats-Unis, comme en beaucoup d’autres endroits,  s’explique plutôt par les coupes budgétaires qui comme au Texas atteignent aujourd’hui « 4,5 milliards de dollars, plus d’un huitième du budget  (…) Avant de licencier les professeurs, les écoles ont mis à pied les assistants d’éducation ainsi que les gardiens de sécurité. Le ménage n’est plus fait qu’un jour sur deux. » 29 . Ce n’est pas l’application de la tolérance zéro qui est un échec mais son abandon par manque des moyens afférents. Car la politique de tolérance zéro aux Etats-Unis est fondée non sur un appareil répressif offensif mais d’abord sur un maillage du tissu social qui doit permettre d’empêcher le délit de se produire et autrement engager une réparation immédiate grâce à l’intervention de tous les acteurs de la vie sociale s’il se produit. On peut définir la tolérance zéro par sa capillarité, elle vient saisir tout ce qui est à proximité pour trouver une solution. Bien sûr la difficulté s’accroit dans le cadre d’un établissement scolaire où les élèves ne peuvent être intégrer que d’une façon partielle au contrôle des espaces et des comportements. Il y a un effet d’adhésion de groupe à des phénomènes d’incivilités qui sont aussi du côté d’une forme de rite odalistique qui suppose le défi à la loi et à l’autorité pour se construire et s’identifier. Le groupe de pairs est ici prégnant, il faut donc mettre en place une tolérance zéro qui tienne compte de ce paramètre. Par exemple l’exclusion n’est pas la solution de la tolérance zéro puisque son but est en même temps de contrôler espace scolaire et espace urbain. Il faut « exclure en dedans » c’est-à-dire demander à l’élève fautif d’être présent dans l’établissement avec un accompagnement personnalisé ou dans le cas des comportements violents exclure vers des associations qui prennent en charge le jeune avec des objectifs tant pédagogiques que correctifs. De même les établissements placés dans des cadres ruraux pour les élèves les plus rétifs et multirécidivistes. L’exclusion pendant longtemps a été l’arme principale de l’éducation nationale, c’est ainsi qu’un article du Monde daté du mercredi 7 avril 2010 30 titrait « l’exclusion, principale réponse à la violence scolaire », cette article renvoyant à une étude de Georges Fotinos, inspecteur général horaire, qui démontre que « 17000 jeunes sont définitivement exclus chaque année de leur établissement à l’issue d’un conseil de discipline et plus de 367000 pour un ou plusieurs jours ». Mais il faut ajouter que l’exclusion suppose en dessous de 16 ans une rescolarisation dans un autre établissement, d’où cet effet « patate-chaude » où les établissements excluant prennent en contrepartie des exclus d’ailleurs. Cette même étude montrant que la cartographie de l’exclusion recoupe celle des Zones Urbaines Sensibles. Georges Fotinos  fait alors ce constat que « les jeunes des milieux populaires sont trois fois plus souvent victimes d’exclusions définitives que leurs camarades des classes favorisées », on ne peut que valider le constat mais s’étonner de la déploration : il y a une logique de la violence qui recoupe dans les grandes lignes la délinquance des ZUS, seule doit être extraite de cette analyse le harcèlement qui recoupe d’autres facteurs et le trafic de stupéfiant qui épouse plutôt la géographie des zones privilégiées. Il y a une forme de permanence du nombre de faits graves sur plusieurs années en même temps qu’un pourcentage faible au regard de la totalité des actes. Mais il ne faut pas oublier que si les faits sont proportionnellement limités ils engagent des traumatismes lourds et on le coût même d’une perturbation durable de l’environnement géographique et psychologique des établissements concernés. La première victime de la violence étant dans bien des cas l’auteur lui-même, celui-ci répondant parfois à une violence institutionnelle (celle de la sélection scolaire et de son corolaire l’exclusion), très longtemps le discours c’est donc centré sur des formes de culpabilité pédagogiques et politiques qui empêchaient une confrontation directe au fait d’incivilité ou au délit. Il faudrait aujourd'hui poser le constat que la première des causes de l'incivilité c'est le sujet qui la produit, de même que le délit à pour origine celui qui le commet et de même pour le crime : cela n'exclut pas des circonstances dont il appartiendra aux adultes ou aux juges de de prendre en compte. C’est aussi le constat posé par Alain Bauer 31 que le harcelé a des risques de devenir bourreau, le harcèlement jouant un rôle décisif dans la décision du passage à l’acte meurtrier. Il se réfère à une étude du FBI qui montre que 75% des « school shooters » avaient été victimes de maltraitance entre élèves. Concluant que le premier facteur conduisant à se munir d’une arme est la peur. Assurons la sécurité pour limiter ses effets.


 Conclusion :
La politique nationale se heurte donc à la réalité de terrain en même temps qu’aux résistances corporatistes, humaines sans parler des réductions budgétaires. La mise en place de la sanctuarisation n’a pas été ce qu’elle promettait d’être, la tolérance zéro s’applique au gré des volontés et des politiques ce qui est en même temps un signe de vitalité et d’initiative comme en témoigne le CAAEE. Demeure un sentiment d’inachèvement et la certitude qu’une réforme doit d’abord être celle des mentalités et des représentations. En grande partie la construction de l’identité de l’adulte se forge à l’école, c’est là qu’il apprend  les postures symboliques et  culturelles, les codes et les manières d’êtres. Lorsque l’école est malade c’est tout le corps social qui tremble. La sécurité à l’école est en ce sens la condition d’une construction d’un espace social apaisé. La sanctuarisation suppose que l’on protège l’école du monde extérieur, que la question de la sécurité n’apparaisse pas pour l’enfant mais soit au contraire un mur contre lequel s’écrase les problèmes sociaux, les violences, les inégalités. Il ne s’agit pas de laisser l’enfant en dehors du monde mais de poser au contraire qu’il y a un entrelacement entre éducation et gestion des violences c’est-à-dire entre liberté et sécurité. L’écriture d’un « livre blanc sur l’école » permettrait de produire une révolution identique à celle du livre blanc sur la sécurité 32 qui a fait disparaître la ligne de séparation entre sécurité et défense nationale, allant jusqu’à faire dépendre la seconde de la première.  En 1982 un rapport d’un inspecteur général dénonçait « les prophètes et les marchands dans l’éducation nationale » 33 , l’école n’est ni un laboratoire d’essai ni un marché. La construction de la sécurité scolaire doit s’édifier à partir de ce constat. 

 

Conférence de Thierry Novarese  produite dans le cadre du Colloque International d’Arras, Violences à l’école : normes et professionnalités en questions »,  les 14 et 15 décembre 2011 à l’Université d’Artois. Titre de la communication : « La sanctuarisation des établissements scolaires, état des lieux ».
                                                            

26 (Novarese, 2008) et (Courtois, Gautier, 2008)
27 Entretien avec Luc Pham, IA-IPR VS, octobre 2011. 
28 (Fotinos, 2010). 
29 (Skiba, 2011).
31 (Bauer, 2010)
32 Livre Blanc, 2008).
33 (Dieuzeide, 1982).

Bibliographie : 
Bauer, Alain, mars 2010, Mission sur les violences en milieu scolaire, les sanctions et la place de la famille, rapport remis au ministre de l’Education Nationale, p.10, URL : http://media.education.gouv.fr/file/Mediatheque/11/9/Rapport-Bauer-mission-violences-scolaires_142119.pdf
Carra Cécile, Violences à l’école élémentaire. Les difficultés de construction d’un ordre scolaire, Questions pénales CESDIP UMR 8183, octobre 2009, URL : www.cesdip.fr.
Courtois, Jean-Patrick et Gautier Charles, juillet 2008, La vidéo-protection, conditions d’efficacité et critères d’évaluation, Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité, Saint-Denis pour le rapport au Sénat du 10 décembre 2008, URL : http://www.senat.fr/rap/r08-131/r08-131_mono.html
Debardieux, Eric, 3 avril 2010, Pas de schémas simplistes pour aborder un phénomène complexe, journal Le Monde, p.12.
Debardieux, Eric, 6 avril 2010, Des états généraux pour des réponses à long terme,  journal Le Figaro, p.6. 
Dieuzeide Henri, du 9 au 11 novembre 1982, Marchands et prophètes en technologie de l’éducation in Actes du colloque : Les formes médiatisées de la communication éducative, Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, p.77.
Fotinos, Georges, 7 avril 2010, L’exclusion, principale réponse à la violence scolaire, journal Libération, p.12.
Hugo, Victor (1862), Les Misérables  (1993), Paris, Garnier.
Livre Blanc, juin 2008, Défense et Sécurité nationale : Le Livre Blanc, préface de Nicolas Sarkozy, Président de la République, Tome 1 et 2, éditions Odile Jacob, la documentation française, Paris.
Ministère de l’Education Nationale, (2011), direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, URL : http://media.education.gouv.fr/file/2011/48/6/DEPP-NI-2011-13-actes-violence-etablissements-publics-second-degre-2010-2011_197486.pdf
Noudelmann François et  Aeschimann  Eric (2009) blog du journal Libération, URL : http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2009/06/sanctuariser-une-expression-diss%C3%A9qu%C3%A9e.html
Novarese, Thierry, Révolution managériale au NYPD, demain la France ?, Université Nancy 2 et l’Université de Pise, les 25 et 26 juin 2009 à Nancy, URL : http://gree.univ-nancy2.fr/digitalAssets/50983_NYPD_-_novarese.pdf
 Novarese Thierry,  L’intervention policière sous vidéo, sécurité, contrôle et libertés, La Société Terminale, colloque organisé conjointement par l’Université Marc Bloch (Strasbourg), le laboratoire « Cultures et sociétés en Europe » (UMR 7043) et le Centre National de la Recherche Scientifique, vendredi 14 novembre 2008. 
Ogien Albert, 1999, Sociologie de la déviance, Paris, Armand Colin. 
Perron, Denis, 7 avril 2010, comment les « psys » analysent la violence scolaire, journal La Croix, p.10. Salas, Denis (2010) La volonté de punir, essai sur le populisme pénal, Paris, Fayard-Pluriel.
 Skiba Russel, L’éducation mise en coupe réglée, supplément « Géo&politique » au journal Le Monde du dimanche 23 et lundi 24 octobre 2011, p.5.
 Winnicott, Donald Woods (1971), Jeu et réalité : l’espace potentiel, Paris, Gallimard. 

dimanche 28 octobre 2012

la violence scolaire : la sanctuarisation 1/2


 autorité, sanctuarisation, sécurité, tolérance zéro.

 Le jeudi 28 mai 2009 le Président de la République dans une allocution déclarait « nous devons sanctuariser les établissements scolaires ». Plusieurs incursions violentes dans des établissements scolaires ont motivés cette décision annoncée à Gagny en Seine-Saint-Denis. Cette parole est performative, elle entraîne avec elle une prise de conscience nouvelle de la réalité de la violence scolaire en même temps que des réactions vives et des résistances. L’emploi du terme de sanctuaire appliqué à l’école implique la place particulière qu’elle recouvre dans l’espace de la République. Il s’agit de poser la liberté d’apprendre dans le cadre d’un « thesmos (1) » inviolable. Le glissement du sanctuaire de son sens religieux vers le profane démontre symboliquement que le terrain de la scolarité est devenu celui du sacré. L’école se définit de facto comme un lieu clos en dehors des vicissitudes extérieures. A l’image de ce que Winnicot nomme « aire transitionnelle » et qui définit la culture comme lieu ou les tensions dues à la vie en société sont suspendues : « nous supposons ici que l’acceptation de la réalité est une tâche sans fin et que nul être humain ne parvient à se libérer de la tension suscitée par la mise en place de la réalité du dedans et de la réalité du dehors, nous supposons aussi que cette tension peut-être soulagée par l’aire intermédiaire d’expérience, qui n’est pas contestée (art, religion,etc) » (2) , espace de la culture comme espace inviolable et incontestable, moment d’une transmission du « lot commun de l’humanité » à la condition d’avoir « un lieu où mettre ce que nous trouvons » (3) : un sanctuaire, une école. 
Les questions que cela soulève sont multiples : d’abord cette protection contre les forces externes rencontre la place particulière des violences à l’école où les attaques proviennent le plus souvent de l’intérieur même de son enceinte et des jeunes qu’elle doit  protéger (4); ensuite l’isolement de l’école dans des frontières tranchées est généreuse mais dangereuse, car sa sécurité ne peut être que le résultat d’un tissage entre différents acteurs qui ne sont pas tous à l’intérieur de son enceinte. L’isolement de l’école ne peut être que le fruit d’un rapprochement avec une foule de partenaires (5) ; enfin la séparation de la sécurité et du pédagogique produit une scission qui invalide la possibilité d’une reconnaissance de l’importance de la sécurité pour tous les acteurs du système éducatif. Certains ont pu voir dans cette application du terme la reprise d’une référence non plus religieuse mais belliqueuse, une torsion vers le stratégique ou le guerrier, la référence est alors directement celle de son usage pendant la « guerre froide » (6) . C’est le lien entre « sanctuarisation » et « tolérance zéro » qui produit cette assimilation, aussi cette déclaration du Président de la République dans le champ de la sécurité publique qui tend à faire comprendre la tolérance zéro seulement du côté de la répression « aucune rue, aucune cave, aucune cage d’escalier ne doit être abandonnée aux voyous. Je veux que se multiplient immédiatement les opérations coups de poings ». Comment comprendre dès lors la politique de la sanctuarisation autrement que comme l’extension d’une politique sécuritaire qui s’interdit la réussite en méconnaissant le rôle fondamental de la communication et du dialogue dans l’arsenal même de la tolérance zéro.


S’il peut sembler relativement  facile de se prémunir contre les attaques extérieures il est plus complexe de lutter contre celles qui sont perpétués du dedans. Le véritable problème de la sanctuarisation c’est de penser l’école en dehors de la cité et des turbulences de la vie sociale, véritable endroit d’égalité et de promotion des individus, sans une prise en compte du fait que le jeune qui sort de la cité pour entrer dans l’établissement scolaire n’est pas dans une logique de rupture mais de continuité des rapports  qu’il entretien ordinairement avec les adultes et l’autorité (7) ,  Eric Debardieux rappelle que la sociologie de la violence scolaire épouse celle de l’exclusion sociale (8) , affirmant que les risques sont concentrés « dans 5 à 10 % des établissements, situés dans des zones défavorisées » (9) . Ce mécanisme de sanctuarisation ne peut donc s’appliquer que si l’école se donne les moyens d’une rupture identitaire chez le jeune, il déposerait en entrant les habits de la révolte et la totalité des valeurs qui le fonde pour devenir un jeune apprenant,  comprenant le rôle essentiel de l’école et sa fonction intégrante…
La « sanctuarisation » pour ne pas être un simple leitmotiv politique doit se donner les moyens de la tolérance zéro par une surveillance accrue des lieux de vie avec une attention toute particulière à rendre visible les adultes et les acteurs pédagogiques. Xavier Darcos, Ministre de l’Education Nationale préconise une série de mesures pour lutter contre la violence scolaire : la mise en place des équipes mobiles de sécurité, ces équipes constituées par des agents du Ministère de l’Intérieur apportant une expertise sécuritaire nouvelle et une connaissance des gestes techniques professionnels. Une modification du statut des personnels d’encadrement et d’éducation permettant l’ouverture et la fouille des sacs, mais aussi la possibilité d’établir un procès verbal constatant l’infraction en cas d’intrusion d’une arme. La mise en place de sanctions financières pour les parents et la formation des professeurs à l’exercice de l’autorité. Le partenariat entre l’ESEN (10) et l’INHES (11) doit se comprendre comme la construction d’un lien collaboratif entre les acquis de la recherche sur la sécurité et la formation des personnels d’encadrement de l’Education Nationale. Le préambule de la convention cadre de ce partenariat rappelle la volonté politique qui préside à sa création en le déterminant comme « enjeu prioritaire pour l’Education nationale et l’ensemble des institutions de l’Etat ». De même que le partenariat entre le ministère de l’Intérieur et celui de l’Education nationale tisse des liens entre police et école (12) . Georges Fotinos, ancien Inspecteur Général de l’Education Nationale,  souligne que la sanctuarisation ne peut se penser dans l’école sans s’étendre à la ville car autrement dès que jeune « franchi la barrière il retombe dans un autre milieu avec ses valeurs ». Porter donc la parole de la sécurité au-delà des frontières de l’école et  « créer à l’intérieur de l’établissement toutes les conditions pour que tout le monde soit bien, et créer de ce fait une identité ». La sanctuarisation  étant alors le moyen d’une consolidation identitaire, d’un maillage indispensable à la création d’une « sécurité active » (13) à l’école. Il y a ici description d’une forme de « tolérance zéro » qui ne s’arrête pas à la seule frontière de l’école mais sanctuarise la rue, le quartier, la ville. La circulaire relative à « la sécurisation des établissements scolaires et au suivi de la délinquance » (14) précise que « le dispositif mis en œuvre ne doit pas être circonscrit aux seuls bâtiments scolaires. Il doit intégrer un contrôle adapté de l’environnement scolaire et la maîtrise du secteur d’implantation de l’établissement ». Elargissement nécessaire donc de la zone de protection et d’intervention. Luc Chatel, Ministre de l’Education nationale affirme que la mort du jeune Hakim (18 ans) tué de plusieurs coups de couteau dans l’enceinte du lycée Darius-Milhaud au Kremlin-Bicêtre (15) est un drame qui doit contraindre l’Etat à sortir des « plans antiviolence (qui) se succèdent mais n’apportent que des réponses immédiates » (16) ,  l’idée d’une réponse globale est celle de la tolérance zéro.


Crise de l’autorité :
Victor Hugo dans les Misérables écrivait  « tous les crimes de l’homme commencent au vagabondage de l’enfant » (17) . Notre société invente  « les orphelins de 16h30 », jeunesse délaissée par les adultes qui trouve comme lieu de construction la rue. Ce rapport précoce à la rue est à l’origine d’une rupture identitaire entre la société et ses normes et les jeunes. Dans notre civilisation nous privilégions pour nos enfants des rapports choisis et peu nombreux, une amitié avec des liens forts. Au contraire les familles des ZUS privilégient un rapport précoce à la rue, l’exposition aux dangers permettant à l’enfant de s’endurcir dans un environnement social difficile, connaître les enfants du quartier lui permettant de se mouvoir sans risque, des relations élargies qui n’engagent pas un rapport particulier ou exclusif. 
L’analyse psychologique qui tend à relativiser l’acte délictueux par l’âge de son auteur est une constante du droit. Nous sommes en cela héritier du droit spécifique de la justice des mineurs et de l’ordonnance de 1945 qui stipule que le mineur ne doit pas être jugé à la même aulne que les majeurs, il faut privilégier l’éducatif sur le répressif, mettre au centre de l’attention et de la justice non pas la victime mais l’auteur du délit. Le jeune délinquant fait ainsi l’objet d’une attention croisée et bienveillante. Denis Salas (18) , ancien juge pour enfants, s’interroge pourtant sur la mutation possible de ce droit au regard des nouvelles formes de délinquance qui apparaissent  dans les années 80, non plus seulement une délinquance d’accaparement mais aussi une délinquance d’exclusion qui préfigure la violence « anomique » ou l’acte délinquant devient gratuit et n’engage plus la conscience de la malignité de son action chez son auteur. Cette  délinquance d’exclusion désigne à la fois la délinquance de prédation que les jeunes organisent dans les quartiers dits de relégations urbaines et la source même de cette délinquance la cette transformation de la société. Ce serait ainsi le ressentiment des parents qui engagerait chez l’enfant un sentiment aigu d’injustice qui entrainerait le jeune sur le chemin de la délinquance. La violence se renforce de l’impunité institutionnelle ou de la peur qu’elle suscite chez les adultes eux-mêmes. Les analyses sur l’autorité montrent que la refondation de l’autorité verticale chez les jeunes ne peut se produire facilement chez ceux qui ne fondent plus l’autorité que sur la force, à partir seulement d’une autorité horizontale (19) . La perception même du délit s’est déplacé, ainsi 90 % des jeunes qui habitent dans les ZUS pensent que la consommation de cannabis (et par conséquent son trafic) n’est pas un délit (20) . Il y a une modification de la norme  qui empêche ces jeunes d’évaluer éthiquement une situation de déviance.  Absence d’un référentiel commun qui est le creuset de toutes les violences. L’explosion des plaintes des policiers pour injure à un représentant de la force publique est l’indice d’un fossé profond entre les jeunes et les institutions, celle de l’école étant vécue par eux comme le lieu de la mise au ban, il n’est pas neutre que lors des émeutes les écoles soient une cible privilégiée, comme une revanche ou un exutoire. Les jeunes  « jouent » les émeutiers, un élève qui passera en conseil de discipline pour participation active à une tentative de mise à feu de poubelles et incitation à la destruction avouera être rentré chez lui pour mettre la tenue ad hoc (21) ; pantalon de sport, sweat à capuche et cagoule. Porter le signe de la menace, jouer à faire peur, puis basculer dans la violence en se prenant au jeu. Ces signes ne sont efficaces que parce qu’ils renvoient à une possibilité de violence réelle, la volonté de faire peur est prise dans un sentiment de puissance que rien n’invalide ni n’arrête sans la digue de la force publique. Il suffit la plupart du temps de déployer des adultes pour permettre de sortir des conflits, le renforcement des équipes à la gille ou porte de l’établissement est un paramètre fondamental de la préservation des locaux et des personnes.

publicité américaine pour le port d'armes dans les établissements scolaires
Mais on ne peut rendre totalement compte de la violence scolaire si l’on ne comprend pas que le personnel en est partie prenante, la crainte que les jeunes désormais inspirent modifie la perception des personnels d’éducation. Chaque intervention pour incivilité ou faute se double désormais d’un affrontement sur la légitimité même de l’intervention de l’adulte. Le jeune en ZUS ne reconnaissant que l’autorité directe d’un enseignant qu’il connaît et refuse toute semonce par un autre membre de la communauté scolaire. C’est-à-dire que toute intervention des personnels se solde immanquablement  par une aggravation de la situation et souvent des insultes et menaces. D’où le laissez faire des adultes qui par lassitude ou crainte renoncent à une intervention qui engage stress et danger physique : cet abandon relatif est aussi un blanc seing signé aux perturbations et incivilités qui renforcent ainsi un sentiment d’impuissance et d’impossibilité d’intervention. 
La violence scolaire serait elle-même une réponse à cette autre violence celle-là institutionnelle  que Xavier Pommereau, psychiatre au Centre Universitaire de Bordeaux désigne comme premier facteur de la violence à l’école, il pointe « les toilettes sales et délabrées, l’absence d’adulte pour accueillir les élèves à l’entrée de l’établissement (qui) peuvent être perçus comme des signes d’abandon » (22) . Propos repris par une ancienne psychologue à la Protection judicaire de la Jeunesse, Marylise Vaillant qui parlant de l’impulsivité des adolescents dira « s’ils sentent qu’autour d’eux les mailles du filet se distendent (…) ils sont tentés de passer à l’acte : agression d’un enseignant, viol, racket mais aussi suicide » (23) . Ici le processus décrit d’effritement du tissu social renvoi au constat aujourd’hui ancien de Philip Zimbardo, psychologue à l’Université de Stanford, qui en 1981 menera une expérience qui n’est pas d’abord à destination de la police mais produite pour analyser le comportement des personnes en sollicitation de déviance. Elle permettra d’affirmer que ce n’est pas la délinquance qui crée le sentiment d’insécurité mais ce sentiment qui permet la délinquance. Retournement dialectique exemplaire de la cause et de l’effet. Lorsqu’un carreau est brisé, lorsque rien n’est fait pour le remplacer alors il y a une licence de dégradation. Si  l’espace urbain est délaissé, si des tags apparaissent sans être nettoyés, lorsque des sanctions ne sont pas prises la délinquance peut occuper ce terrain déjà gagné par la peur. L’intimidation est en place lorsque le « laissez-faire » s’installe, si le passant peut-être molesté par un ivrogne ou un clochard sans intervention extérieure alors le terreau de l’agression délinquante devient fertile. Le rôle de la police n’est donc pas ici dans la seule intervention, elle doit prévenir par anticipation des délits plus graves qui se forgent à partir des incivilités mineures. La prévention des délits est la première forme de la tolérance zéro qui est fondée sur une dissuasion situationnelle (24) et non par une dissuasion par la sanction. N’est ce pas ce même constat pointé par le « délaissement de l’adulte » ou « les mailles du filet se distendent » ? Il y aurait un phénomène d’occultation de la violence par les adultes (25) , une enquête menée à Lille dans des écoles primaires montre que le sentiment d’insécurité et de perception des violences diffère sensiblement entre enfants et adultes : les écoliers à 33,3% voient « énormément » et « beaucoup » de violences dans leur école pour seulement 8,6% des adultes. Cet écart s’expliquant à la fois par le fait que des relations violentes sont ressenties comme normales entre enfants par les adultes, par le fait que cette violence à pour cadre la cour de l’école où les enseignants sont centrés sur les relations avec leurs collègues afin d’échanger professionnellement et personnellement et non sur les activités des élèves. Trop souvent une forme d’idéologie de la non-intervention existe chez les enseignants « il faut laisser les élèves se débrouiller avec leurs histoires », discours de l’aguerrissement comme  propédeutique à l’autonomie qui méconnait que la dite autonomie est le résultat de la confiance et non celui de  l’angoisse.
 

1 Le thesmos est du côté de la loi non écrite, immuable et éternelle des Dieux en opposition au nomos qui est la loi écrite et provisoire des hommes pour les grecs anciens. 
2 (Winnicott, 1971, p.24) 
3 (Winnicott, 1971, p.137)
4 Les intrusions violentes  représentent 15% des faits graves, « Les actes de violences recensés dans les établissements publics du second degré en 2010-2011 », (MEN, 2011)
5 Les associations de parents d’élèves, les parents, la mairie, les services de l’Etat et les élèves et les personnels des établissements qui sont les acteurs indispensables de la paix scolaire. 
6 « L’opposition des deux blocs et la menace atomique ont fait qu’a été considéré comme « sanctuaire » tout ce qui, attaqué par l’ennemi, provoquerait le réaction immédiate de l’autre » in (Noudelmann, 2009)
 7 Analyse de ce rapport à l’autorité dans 
8 Eric Debardieux, article paru dans le journal Le Monde du samedi 3 avril 2010, titre : pas de schémas simplistes pour aborder un phénomène complexe, p.12. 
9 Eric Debardieux, article paru dans Le Figaro du mardi 6 avril 2010, titre des états généraux pour des réponses à long terme, p.6
10 Ecole Supérieure de l’Education Nationale.
11 Institut Nationale des Hautes Etudes de Sécurité. 
12 http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_la_une/toute_l_actualite/securite-interieure/securisation-ecoles 
13 Concept présenté lors d’une audience auprès du Préfet de la Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, le 08 mars 2011.
14 conférence de presse du 23 septembre 2009
15 Mort le 08 janvier 2010.
16 Entretien avec Luc Chatel, propos recueillis par Charles de Saint-Sauveur, Le parisien du mardi 6 avril 2010
17 (Hugo, 1862, Troisième partie, Livre I, Chapitre VI)
18 (Salas, 1998)
19 Ce phénomène se doublant parfois d'une appartenance à une bande où à un gang aux Etats-Unis. 
20 (Ogien, 1999).                                      
21 Conseil de discipline du lundi 7 novembre 2011 au lycée de l’Essouriau, Les Ulis. 
22 (Perron,7 avril 2010) 
23 Ibid.
24 Ainsi la police New-Yorkaise développe une stratégie de visibilité de l’uniforme et de lisibilité de son action. Voir (Novarese, 2009)
25 (Carra, 2009). 

vendredi 26 octobre 2012

Le maintien de l'ordre lors d'une manifestation



Le maintien de l’ordre pendant une manifestation : une chaîne de commandement

Le maintien de l’ordre ne relève pas de la spontanéité mais d’une organisation précise avec une chaîne militaire de commandement qui permet d’éviter les confusions sur le terrain. La prévisibilité est l’outil du MO, ce qui signifie une analyse précise des intermédiaires et des moyens. Ainsi lorsqu’une manifestation est prévue il y a la première décision, donnée par un mandat informel du Préfet vers le Directeur de la sécurité, celui-ci ne mentionne que l’événement et l’objectif = mettre tout en œuvre pour que la sécurité des biens et des personnes soit assurée tant au-dedans de la manifestation qu’au dehors. Il s’agit d’une première saisine qui a  pour effet un deuxième mandat, celui-là informé, qui met en place une analyse de la manifestation, participants et moyens, avec une adaptation du dispositif de MO aux préconisations. Ce premier travail est donc de renseignements, de collecte d’informations, les RG remplissaient auparavant cette mission confiée désormais à des forces classiques de police ou à la DCRI pour des manifestations sensibles ou de grandes ampleurs. Environ 8 jours avant la manifestation les informateurs sont activés, le lieu de départ de la manifestation surveillé (s’il s’agit d’une usine par exemple), on parle ici d’un déploiement des moyens internes, surveillance visuelle et indicateurs. La conclusion de cette surveillance permet d’établir  un mandat formel, après une réunion de sécurité organisée à la préfecture avec le Directeur de la sécurité et les forces impliquées et futures, le commandant de CRS ou l’officier en charge des gardes mobiles (lieutenant-colonel). Cette réunion définit les moyens nécessaires à la défense des bâtiments et à la sécurité des manifestants et des personnels du MO. La définition des armes ou équipement est strictement délimitée à ce moment, même si l’adaptation à une situation imprévue engagera peut-être une redéfinition de la mission, elle ne pourra s’effectuer sans l’accord exprès du Préfet.

 Cet ordre ne subit pas le poids d’une structure administrative lourde car lors de la manifestation les responsables du MO et le Préfet sont réunis en cellule de gestion de crise en contact permanent avec le terrain. Le nombre d’hommes nécessaire est déterminé, les équipements et des guetteurs sont positionnés pour prévenir de toute modification dans la composition ou la direction du cortège. La surveillance est ici un des moyens de la prévention. Cependant dans le cas d’une modification radicale de la composition du cortège ou lorsque des éléments incontrôlés apparaissent cela ne peut pas forcément modifier la structure du MO ou son organisation, car une charge de police sur un cortège ne pouvant viser des individus spécifiques, il faut accepter des déprédations pour éviter que des personnes ne reçoivent des coups lors d’une charge ou en conséquence d’une panique de la foule. La gestion du MO suppose à la fois un mandat explicite et un autre implicite : il faut à tout prix éviter ce que le grand public nomme « une bavure ». Nous sommes ici dans le syndrome « Malik Ousékine » mort en 1989 d’un arrêt cardiaque lors d’une charge des « voltigeurs » qui était un peloton de policiers motocyclistes, l’un devant conduisant l’autre derrière armé d’une matraque longue frappant en pénétrant grâce aux motos tous terrains le cœur de la manifestation, proche en fait d’une charge de cavalerie face à des fantassins. A la suite de ce dramatique événement le peloton des voltigeurs fut dissout et le rôle de la police dans les manifestations est devenu d’actif, passif. Il y avait une philosophie de l’intervention policière qui s’est transformé en cadrage passif et contrôle des événements.


  Cette force passive suppose une absorption très grande des chocs qui modifiera aussi l’équipement des forces de l’ordre et  l’objectif des interventions des forces de l’ordre. La structure du MO a pour consigne systématique d’éviter les affrontements et de limiter les risques sur les personnes. On le voit le rôle du MO est surtout celui d’une digue, contenir les forces en présence pour atteindre un objectif de violences minimales. La structure du MO tient compte d’un principe de respect des personnes et des droits. Avec cette force qui est celle du groupe, l’adoption d’une chaîne militaire de commandements doit permettre de limiter au maximum les mésinterprétations pendant le MO. Si les phases précédentes sont bien d’ajustements et d’interprétations, pendant l’action elle-même il faut que chacun connaisse absolument sa mission et sa position, sans interprétation qui engendrerait une modification non pas seulement locale mais mettant en cause la totalité du dispositif. C’est bien la force du MO, compter sur des hommes et des femmes qui, chacun à leur place, connaissent l’importance de la mission et prennent à cœur sa réussite. Il faut préciser cela car cet aspect est fondamental dans la gestion du MO, savoir pouvoir compter sur la totale implication des personnels est indispensable pour le Préfet. A contrario la considération apportée aux commandants des unités est directement en lien avec le fait d’avoir su remplir la mission confiée (dans le cas des gardes mobiles, le lieutenant-colonel sait que de cette réussite dépend sa promotion vers le grade de colonel).



On peut produire un schéma organisationnel du MO lors d’une manifestation :






Et le schéma de commandements
 

 

La militarisation de la chaîne de commandement permet d’éviter les distorsions et malentendus lors de l’action de MO. Autrement dit la structure pyramidale permet de concevoir un mouvement global et une gestion concertée qui prend en compte le déroulement des opérations mais ne permet pas une modification d’une partie de la structure sans une redéfinition globale de l’engagement. C’est cette compréhension globale et le soutien total de chaque élément du dispositif qui fait la force et l’intelligence d’un MO.