mardi 9 octobre 2012

La sécurité globale



Il semble que l’un des bouleversements du 11 septembre concerne les lignes de partage traditionnelles entre l’intérieur et l’extérieur, l’adversaire et l’ennemi, entre les agences policières publiques et les agences privées, entre police et armée, mais aussi entre un usage modéré et restreint de la force ou son usage sans limite. On se souvient dans le cadre de la police anglaise de la formule shoot to kill et de la mort d’un jeune brésilien : Jean Charles de Menezes, un électricien de 27 ans, abattu de sept balles dans la tête dans une station de métro à Londres le 22 juillet 2005, quelques jours après les attentats qui avaient fait 52 morts dans les transports en commun.  La justification de cette « philosophie de l’ennemi » réside dans la nature même de l’action terroriste qui de part son mode opératoire (vise des populations civiles) et sa pratique du secret doit avoir en face d’elle une force de police qui n’utilise pas les moyens classiques de la police démocratique. Se pose alors la question de la juxtaposition des polices – conventionnelles et spéciales – et de leur cohabitation dans un espace démocratique.

Le 11 septembre à donc tourné une page de l’histoire de la sécurité au profit d’une nouvelle doctrine que l’on appelle sécurité globale. Ces moments de séismes sont assimilables à des révolutions épistémologiques – plus jamais les choses pourront êtres vues comme avant – sorte de révolution copernicienne de la sécurité qui voit s’écrouler tous les anciens fondements d’une société – la sécurité intérieure étant incapable de faire face à des modes nouveaux d’agressions, il y a un impératif catégorique de changement, de modification des structures et des réponses données.  Le risque terroriste (chimique, bactériologique, nucléaire, classique) fait changer les perspectives et les priorités des Etats. Cette pensée de la « sécurité globale » (2003) est en rupture avec la traditionnelle sécurité intérieure.

La sécurité globale transforme l’adversaire en ennemi – car ce sont les intérêts vitaux des États qui sont mis en périls. Mais en même temps l’invisibilité des ennemis fait qu'ils se transforment en ombres et que la perception du danger devient omniprésente. Le risque pour sa part se généralise et dépasse le cadre des frontières et de la lutte contre la délinquance classique : il se mondialise.Il faut désormais être capable de prévoir, sinon d'anticiper, un acte de terrorisme par le biais d'une veille systématique qui est une mise en alerte permanente. L’anticipation et la riposte deviennent les éléments fondamentaux de la sécurité et de la santé des États : il y a une « grammaire de l’action » - elle assure à une collectivité une protection contre les attaques de toutes natures. Les risques sont protéiformes, il faut donc réagir par une défense adaptée à la frappe ; et cela n’est possible que si la doctrine en vient elle aussi s’élargir. Elle préconise de briser avec l’ancien référentiel classique de lutte contre les délinquants. A un terrorisme global doit correspondre une réponse globale.

Problème de la stratégie globale :
Elle peut prendre pour des signes d’attaque globale des éléments délictueux ou criminels. Alors que l’on tentera de comprendre pour punir l’acte délictueux, la déclaration de guerre se verra répondre par les moyens de la guerre –il faut détruire l’objectif visé.

Cette volonté d’allier l’anticipation et l’action conduit à réfléchir la sécurité au niveau du territoire, de la région, de la ville, et pourquoi pas de la cage d’escalier…Car enfin sous le couvert de la délinquance classique peut se dissimuler une cellule de soutien, par le trafic de stupéfiants ou d'armes, à une organisation terroriste. La ligne de partage entre la petite et moyenne délinquance et l'action terroriste ne peut plus être facilement distinguée.  Des armes législatives viennent donner un cadre particulier aux forces de l'ordre qui œuvrent contre le terrorisme. C'est le cas de la loi anti-terroriste : loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 (extension de la garde à vue à 6 jours soit 144h.

Face à la menace terroriste il faut mettre en œuvre trois stratégies :
1                    défendre certains sites en profondeur
2                    assurer une veille générale sur le réseau
3                    surveiller les individus à risque
            ce dernier volet est complexe car les mêmes qui crient à l'inaction de la police refusent une diminution des libertés civiles. Il semble en effet impossible d'arrêter les personnes avant le passage à l'acte ou la mise en œuvre d'une action terroriste. L'intention ne fait pas l'action devant les tribunaux et en droit français. La suspicion, même légitime, suppose des preuves. Le projet de loi permettant de poursuivre en France des actes terroristes commis à l'extérieur de nos frontières (par exemple le fait de s'entraîner dans un camp jihadiste) ouvre une perspective nouvelle pour l'exploration policière (avec la charge supplémentaire de devoir apporter la preuve de cet engagement).

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