jeudi 21 février 2013

Prison :

Le rôle et la place de la prison sont aujourd'hui, et l'on peut s'en féliciter, objets d'une réflexion politique et citoyenne. Sa place est double dans le champ de la société : punitive par la soustraction de la liberté, correctrice par sa volonté de réformer la personne afin de permettre sa réinsertion. Dans le cadre de la punition cela suppose des conditions de privations dans le respect de la dignité humaine, les 2 dimensions sont donc intriquées, traiter bien les détenus afin que le système démocratique montre sa force et sa capacité à reconnaître la supériorité du contrat social sur les autres systèmes et organisations. La réinsertion comme horizon de la prison est nécessaire pour favoriser l'acceptation de la transition (plus ou moins longue) de l'enfermement. Elle est aussi la condition d'un comportement d'acceptation des règles dans l'enceinte pénitentiaire, et surtout elle doit éviter la récidive qui est catastrophique pour la société en même temps qu'elle entérine l'échec du modèle d'incarcération à chaque fois qu'elle se produit.

Bien loin de ce cadre on trouve des modèles d'enfermement où la prison est le lieu de la continuation de la violence et de la délinquance, institutionnalisées par la police et les surveillants. C'est le cas du Mexique qui est incapable de freiner par l'intervention de l'Etat la guerre des narco-trafiquants et des gangs. La répartition des détenus se produit par l'appartenance à un gang ou une organisation délinquante, accélérant ainsi le recrutement et la continuation dans la prison des exactions externes. La corruption des surveillants est systématique tant le salaire est faible (entre 500 et 700 pesos c'est-à-dire moins que l'ouvrier le moins qualifié) plaçant ainsi les gardiens au seuil de pauvreté - tel on traite les représentants de l'Etat et tel en retour ceux-ci agissent - aussi la corruption est le nerf de la prison. Les gardiens font entrer pour les prisonniers : armes, drogues, prostituées... Nous sommes ici dans un système schizophrène où l'extérieur communique sur les interventions de la police et sur le modèle d'une pseudo tolérance zéro tandis que l'intérieur est "pourri" par des pratiques délinquantes et criminelles. Certains prisonniers se font construire des cabanes en bois dans l'enceinte de la prison pour recevoir des "visites" tandis que d'autres possèdent des appartements privés avec télévision, @, et même une occupante féminine. Les policiers eux-mêmes subissent souvent des pressions qui rendent impossible l'indépendance de l'Etat, s'ils refusent la corruption ils sont menacés de morts, ainsi que les membres de leurs familles. Lorsque l'Etat ne peut plus remplir sa mission il livre en même temps ses citoyens aux dictat de la criminalité.

Cet exemple est bien sûr très loin de nos usages et de notre seuil d'acceptation mais il doit faire entendre que du sort des prisons dépend aussi celui de la justice. La volonté de passer aujourd'hui d'une logique de la peine à celle de l'insertion dans le tissu social est intéressante. Elle se heurte cependant à 2 écueils : nous souhaitons que justice se fasse, c'est-à-dire que le dommage corresponde bien à une expiation sociale qui suppose une peine qui soit à la fois le marquage de la reconnaissance du statut de victime pour celui qui a subit l'acte criminel et aussi un marquage dans la chair du coupable. Ici sommes toute nous sommes proche de l'idée de vengeance dans le sol de la justice. C'est que notre société est marquée par la place de la victime dans le processus judiciaire. Souvent le grand public à l'impression qu'une place plus grande est faite au coupable qu'à la victime par l'institution judiciaire. La lenteur du processus d'incrimination étant aussi un frein : même si tous les éléments sont présents avec les aveux il ne faudra pas moins d'un délai d'une année et 1/2 pour que le procès est lieu. Il s'agit ici de facteurs qui s'expliquent par le délai nécessaire à la formation d'une défense sereine, le temps de la justice n'est pas celui des passions des hommes. L'autre dimension est celle du marquage dans la chair du détenu, survivance d'un archaïsme qui est présent en chacun de nous, oeil pour oeil, dent pour dent, souffrance pour souffrance. Il faut que non seulement le psychisme soit atteint mais aussi  le corps, nous désirons la souffrance dès que le crime est affectivement reconnu. Alors l'état des prisons laisse place en France à un discours démocratique de bon teint sans un changement manifeste des lieux de détentions. c'est qu'il faut sortir du discours de la compassion pour  entrer dans une logique technique : nous avons besoin d'une prison qui puisse remplir ses missions, et pour cela il faut offrir de meilleures conditions d'abord... aux surveillants, le personnel pénitentiaire doit voir sa mission reconnue et valorisée par l'Etat. Ce qui suppose aussi des conditions internes décentes pour les détenus qui permettent la réinsertion c'est-à-dire la neutralisation de la dangerosité.

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