samedi 14 décembre 2013

Le sens de la peine / prison


Depuis juin 2011 sont apparus dans le paysage carcéral les assesseurs pénitentiaires, qui participent aux commissions de discipline des centrales et maisons d’arrêt en France. Il y a en effet dans les prisons une autre prison, celle qui enferme ceux qui commettent des manque- ments disciplinaires et sont placés à l’écart de cet écart qu’est la déten- tion classique: «le mitard». Cette arrivée correspondait à une nécessité d’ouverture des prisons à la société civile.


La fonction d’assesseur extérieur dans les commissions de discipline pénitentiaire naît de la volonté politique de désenclaver la prison en permettant à des membres de la société civile de participer aux jugements de fautes disciplinaires commises en détention. Le tribunal est administratif ; cela signifie qu’il juge les infractions au règlement intérieur de la prison, sans présager des poursuites judiciaires possibles liées aux actes commis. Ainsi, le passage en commission de disci- pline pour trafic de stupéfiants dans l’enceinte de la prison pour des détenus incarcérés pour ce même motif conduit le tribunal correctionnel à prononcer une peine de prison additionnelle, qui peut aller jusqu’à 3 ans de prison. Bien sûr, lors des commissions de discipline, nous insistons auprès des prévenus sur cette épée de Damoclès. Un détenu surpris en possession de 70 grammes de cannabis lors d’une fouille suivant un parloir sera immédiatement jugé en comparution im- médiate et condamné à une année de détention supplémentaire. Il passera en- suite pour cette même infraction devant la commission de discipline de la prison, qui prendra en compte la condamnation judiciaire dans le prononcé de sa propre sanction.
Avant 2011, les commissions étaient issues de la seule administration pénitentiaire  suspecte ainsi de produire une justice  disciplinaire discrétionnaire. L’arrivée des assesseurs extérieurs fut en ce sens une révolution. Désormais un membre extérieur à « la pénitentiaire » allait pou- voir juger un acte commis par un détenu dans le cadre de son emprisonnement. Les habitudes prises allaient devoir s’exposer, s’argumenter, se justifier...




L’ouverture suppose toujours une remise en cause de ce qui était jusque-là évident : l’assesseur extérieur n’est pas lié hiérarchiquement au président de la com- mission, qui est toujours le Directeur du bâtiment ou un officier. Ce président est secondé par un surveillant et désormais par l’assesseur (qui prend donc la place d’un second surveillant). Le doute était
possible sur l’indépendance de jugement des surveillants, concernés par l’acte qu’ils devaient juger (agression, insultes, indis- ciplines). La participation d’assesseurs extérieurs est le gage (pour le détenu, pour l’administration, pour la société civile) qu’il est bien question de justice, et non de la vengeance d’une institution juge et partie.
rigoureuse, ce qui est souvent juste. Lorsque le dossier est insuffisamment in- formé, la Commission décide d’une relaxe. Toutefois, il ne s’agit pas d’une instance ju- diciaire avec des moyens d’investigation réels. Comment donc condamner sans l’étai d’un dossier construit ? La demande porte aujourd’hui aussi sur la possibilité de visionnage des bandes de vidéosurveillance lors des cas les plus graves. L’administration comme le juge des détentions appuient cette de- mande. Cela demeure pourtant sur le terrain extrêmement difficile à obtenir. Le nombre de commissions qui siègent est énorme, chaque bâtiment possède sa commission. La machine des sanctions est exponentielle, elle se nourrit des manquements propres de l’univers carcéral : certains détenus devraient bénéficier d’un traitement psychiatrique ; d’autres pour supporter l’incarcération se dirigent vers les stupéfiants ; d’autres encore sont contraints de devenir des « mules » et de transporter téléphones portables, drogues, argent. Par peur de représailles, ils préfèrent taire leurs commanditaires, quitte à être sanctionnés. Lorsqu’ils sont pris et que donc la drogue est perdue, ils doivent rembourser la marchandise par le biais du « cantinage » (chaque mois les détenus peuvent acheter des biens de consommation) sous la forme de cigarettes ou autres qu’ils devront céder à leurs bourreaux.
Le phénomène délinquant est encore accentué par l’incarcération par « quartiers » des détenus. Mettre ensemble les détenus issus des mêmes cités permet de limiter les frictions mais c’est aussi préférer un ordre apparent à un ordre réel, favoriser les jonctions criminelles et donc la continuation en prison d’une fabrique délinquante.
L’administration pénitentiaire est consciente de cela et tente de libérer la parole des détenus victimes, de les déplacer dans un autre étage ou bâtiment si cela est possible, mais elle doit faire avec des moyens comptés et une surpopulation carcérale.
Il faut faire la différence entre maison d’arrêt et centrale d’arrêt. Le terme de prison renvoie à une unité qui n’existe pas : la surpopulation carcérale concerne les maisons d’arrêt, qui incarcèrent les personnes en attente avant le jugement ou celles qui font appel après une condamnation en première instance – ainsi que les détenus condamnés à de petites peines, qui côtoient ainsi la délinquance moyenne, lourde ou criminelle.

Seul le Président de la commission possède le pouvoir de sentence – ce qui implique que le rôle des 2 assesseurs est con- sultatif et non décisionnel. Cependant, dans mon expérience personnelle, la prise en compte de l’avis de l’assesseur est réelle et la décision mutualisée. Cette décision engage une « punition », avec la possibilité pour certains manquements d’une mise en isolement (« le mitard ») jusqu’à 20 jours. La présence de l’avocat (commis ou choisi) est un élément du respect de la procédure, mais il est clair que certains n’ont pas pris connaissance de la compétence de la com- mission ni de la spécificité de ce droit ré- glementaire. Le reproche le plus pertinent réside dans l’absence d’une procédure

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Comment espérer des conditions décentes de travail avec un ratio d’1 surveillant pour 75 détenus lors des promenades ? Il faut travailler différemment avec la détention afin de lui permettre de retrouver sa fonction républicaine : réintroduire dans la communauté celui qui par son action en est un jour sorti.   Thierry Novarese

article extrait du dossier n°8 de "Regards croisés". 



1 commentaire:

mariecke a dit…

Je suis assesseur à FRESNES depuis 2 ans. Je suis bien d'accord sur votre description objective des faits rapportés . Je me pose comme vous la question du sens de la peine surtout qd nous avons affaire à des détenus qui relèvent de la psychiatrie et qui n'ont pas leur place en prison .
Quelles sont les chances de réinsertion pour des jeunes qui passent la plupart de leur temps enfermés devant la télé, sans formation et pratiquement analphabètes ?
En tant qu'assesseurs nous avons crée une association l'ANAEC qui a pour objectif de nous rassembler pour coordonner nos actions , de favoriser les échanges , de partager les expériences et de former les assesseurs pour mieux remplir nos missions .
J'ai trouvé votre blog intéressant .Bon courage à vous et bonne continuation.