Depuis juin 2011 sont apparus dans le paysage carcéral les assesseurs pénitentiaires, qui participent aux commissions de discipline des centrales et maisons d’arrêt en France. Il y a en effet dans les prisons une autre prison, celle qui enferme ceux qui commettent des manque- ments disciplinaires et sont placés à l’écart de cet écart qu’est la déten- tion classique: «le mitard». Cette arrivée correspondait à une nécessité d’ouverture des prisons à la société civile.
La fonction d’assesseur extérieur dans les commissions
de discipline pénitentiaire
naît de la volonté politique de désenclaver la prison en permettant à des
membres de la société civile de participer
aux jugements de fautes disciplinaires
commises en détention. Le tribunal est
administratif ; cela signifie qu’il juge les infractions au règlement intérieur de la
prison, sans présager des poursuites judiciaires possibles liées aux actes commis.
Ainsi, le passage en commission de disci-
pline pour trafic de stupéfiants dans l’enceinte de la prison pour des détenus incarcérés pour ce même motif conduit le
tribunal correctionnel à prononcer une
peine de prison additionnelle, qui peut
aller jusqu’à 3 ans de prison. Bien sûr, lors
des commissions de discipline, nous insistons auprès des prévenus sur cette
épée de Damoclès. Un détenu surpris en
possession de 70 grammes de cannabis
lors d’une fouille suivant un parloir sera
immédiatement jugé en comparution im-
médiate et condamné à une année de détention supplémentaire. Il passera en-
suite pour cette même infraction devant
la commission de discipline de la prison,
qui prendra en compte la condamnation
judiciaire dans le prononcé de sa propre
sanction.
Avant 2011, les commissions étaient
issues de la seule administration pénitentiaire suspecte ainsi de produire une justice disciplinaire discrétionnaire. L’arrivée
des assesseurs extérieurs fut en ce sens
une révolution. Désormais un membre
extérieur à « la pénitentiaire » allait pou-
voir juger un acte commis par un détenu
dans le cadre de son emprisonnement.
Les habitudes prises allaient devoir s’exposer, s’argumenter, se justifier...
L’ouverture suppose toujours une
remise en cause de ce qui était jusque-là
évident : l’assesseur extérieur n’est pas lié
hiérarchiquement au président de la com-
mission, qui est toujours le Directeur du
bâtiment ou un officier. Ce président est
secondé par un surveillant et désormais
par l’assesseur (qui prend donc la place
d’un second surveillant). Le doute était
possible sur l’indépendance de jugement
des surveillants, concernés par l’acte qu’ils
devaient juger (agression, insultes, indis-
ciplines). La participation d’assesseurs
extérieurs est le gage (pour le détenu,
pour l’administration, pour la société
civile) qu’il est bien question de justice, et
non de la vengeance d’une institution juge
et partie.
rigoureuse, ce qui est souvent juste.
Lorsque le dossier est insuffisamment in-
formé, la Commission décide d’une relaxe.
Toutefois, il ne s’agit pas d’une instance ju-
diciaire avec des moyens d’investigation
réels. Comment donc condamner sans l’étai d’un dossier construit ? La demande porte aujourd’hui aussi
sur la possibilité de visionnage des bandes de vidéosurveillance lors des cas les
plus graves. L’administration comme le
juge des détentions appuient cette de-
mande. Cela demeure pourtant sur le terrain extrêmement difficile à obtenir. Le
nombre de commissions qui siègent est
énorme, chaque bâtiment possède sa
commission. La machine des sanctions est
exponentielle, elle se nourrit des manquements propres de l’univers carcéral : certains détenus devraient bénéficier d’un
traitement psychiatrique ; d’autres pour
supporter l’incarcération se dirigent vers
les stupéfiants ; d’autres encore sont contraints de devenir des « mules » et de
transporter téléphones portables,
drogues, argent. Par peur de représailles, ils préfèrent taire leurs commanditaires, quitte à être sanctionnés. Lorsqu’ils sont pris et que donc la drogue est perdue, ils doivent rembourser la marchandise par le biais du « cantinage » (chaque mois les détenus peuvent acheter des biens de consommation) sous la forme de cigarettes ou autres qu’ils devront céder à leurs bourreaux.
Le phénomène délinquant est encore accentué par l’incarcération par « quartiers » des détenus. Mettre ensemble les détenus issus des mêmes cités permet de limiter les frictions mais c’est aussi préférer un ordre apparent à un ordre réel, favoriser les jonctions criminelles et donc la continuation en prison d’une fabrique délinquante.
L’administration pénitentiaire est consciente de cela et tente de libérer la parole des détenus victimes, de les déplacer dans un autre étage ou bâtiment si cela est possible, mais elle doit faire avec des moyens comptés et une surpopulation carcérale.
L’administration pénitentiaire est consciente de cela et tente de libérer la parole des détenus victimes, de les déplacer dans un autre étage ou bâtiment si cela est possible, mais elle doit faire avec des moyens comptés et une surpopulation carcérale.
Il faut faire la différence entre maison d’arrêt et centrale d’arrêt. Le terme de prison renvoie à une unité qui n’existe pas : la surpopulation carcérale concerne les maisons d’arrêt, qui incarcèrent les personnes en attente avant le jugement ou celles qui font appel après une condamnation en première instance – ainsi que les détenus condamnés à de petites peines, qui côtoient ainsi la délinquance moyenne, lourde ou criminelle.
Seul le Président de la commission possède le pouvoir de sentence – ce qui implique que le rôle des 2 assesseurs est con-
sultatif et non décisionnel. Cependant,
dans mon expérience personnelle, la prise
en compte de l’avis de l’assesseur est réelle
et la décision mutualisée. Cette décision
engage une « punition », avec la possibilité
pour certains manquements d’une mise en
isolement (« le mitard ») jusqu’à 20 jours.
La présence de l’avocat (commis ou choisi)
est un élément du respect de la procédure,
mais il est clair que certains n’ont pas pris
connaissance de la compétence de la com-
mission ni de la spécificité de ce droit ré-
glementaire. Le reproche le plus pertinent
réside dans l’absence d’une procédure
Comment espérer des conditions décentes de travail avec un ratio d’1 surveillant pour 75 détenus lors des promenades ? Il faut travailler différemment
avec la détention afin de lui permettre de
retrouver sa fonction républicaine : réintroduire dans la communauté celui qui
par son action en est un jour sorti. Thierry Novarese
article extrait du dossier n°8 de "Regards croisés".
article extrait du dossier n°8 de "Regards croisés".
1 commentaire:
Je suis assesseur à FRESNES depuis 2 ans. Je suis bien d'accord sur votre description objective des faits rapportés . Je me pose comme vous la question du sens de la peine surtout qd nous avons affaire à des détenus qui relèvent de la psychiatrie et qui n'ont pas leur place en prison .
Quelles sont les chances de réinsertion pour des jeunes qui passent la plupart de leur temps enfermés devant la télé, sans formation et pratiquement analphabètes ?
En tant qu'assesseurs nous avons crée une association l'ANAEC qui a pour objectif de nous rassembler pour coordonner nos actions , de favoriser les échanges , de partager les expériences et de former les assesseurs pour mieux remplir nos missions .
J'ai trouvé votre blog intéressant .Bon courage à vous et bonne continuation.
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